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Risques littoraux

Antoine Maniatis

Chercheur-associé du CDMO de l’Université de Nantes, Postdoc, HDR

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Résumé

Le XVIIe siècle a été marqué par étatisme en droits maritimes, illustré par la genèse des eaux territoriales (littoralisation) et le privilège du cabotage maritime. Depuis le XIXe siècle, la littoralisation au sens classique, parfois appelée « attractivité littorale », constitue une tendance sociale, laquelle implique la transformation de l’environnement naturel (anthropisation) du littoral. Le droit de l’environnement a progressé vers l’assouplissement, comme cela est le cas de la loi Barnier, de 1995, qui a introduit la précaution, laquelle a assoupli la notion de faute au moins en droit de la santé, et le repli stratégique quant à l’aménagement du littoral, lequel constitue une option souple face à la technique lourde de construction de digues contre les submersions marines. Qui plus est, cette branche a été récemment enrichie par des conventions internationales originales en matière de la marine marchande, dont les relatives au risque littoral des Espèces Exotiques Envahissantes.

Abstract

The seventeenth century was marked by statism in maritime law, illustrated by the creation of territorial waters (littoralization) and the privilege of maritime cabotage. Since the 19th century, littoralization in the classical sense, sometimes referred to as ‘coastal attractiveness’, has been a social trend, involving the transformation of the natural environment (anthropization) of the littoral. Environmental law has moved towards softening, as in the case of the 1995 Barnier law, having introduced precaution, which softened the concept of fault at least in health law, and the strategic retreat as for littoral planning, which constitutes a soft option against the heavy-handed technique of building dykes to protect against marine submersions. What’s more, this branch has recently been enriched by original international conventions on merchant navy, including those related to the littoral risk of invasive alien species.

Mots-clés

aktéphilie (/ακτηφιλία), assouplissement en droit de l’environnement, droit du littoral, Espèces Exotiques Envahissantes (EEE), étatisme en droits maritimes

Keywords

aktiphilia (/ακτηφιλία), softening in environmental law, coastal law, Invasive Alien Species (IAS), statism in maritime law

Introduction

Le littoral est une zone terrestre sinueuse, où s’établit le contact entre la mer ou un lac et la terre, et il fait preuve d’un champ d’application plus ample que celui du concept du rivage et de la côte[1]. Ces derniers vocables désignent respectivement les domaines du littoral soumis directement ou indirectement à l’action de la mer. Il est estimé qu’une approche du littoral serait intéressante pour des raisons variées, inter alia en termes quantitatifs, étant donné que les zones côtières hébergent de nos jours plus d’une moitié de la population mondiale[2]. La présente recherche traite la question des risques littoraux, en particulier à l’ère actuelle.

Nous supposons que le littoral est d’une manière intense lié aux pressions de la marine marchande.

D’abord, cette analyse focalise sur le mouvement traditionnel et dynamique de littoralisation (I).

Juste après, elle complète cette thématique tout en se référant à l’anthropisation du littoral (II).

Puis, elle consiste en étude de cas, par rapport au milieu maritime, étant donné qu’elle traite la question des Espèces Exotiques Envahissantes (EEE) (III).

I.       La littoralisation

Espaces très dynamiques, façonnés et refaçonnés par les courants marins par le transport de sédiments, par les vents et les rivières, les littoraux ont toujours été habités et travaillés par l’humanité mais, contrairement à aujourd’hui, cette présence, illustrée par des activités telles que la petite pêche, la chasse, la conchyliculture ou des formes d’agriculture et élevage non intensifs, était mobile, limitée et, le plus souvent, bien adaptée à l’instabilité des environnements côtiers et à une petite échelle[3]

Mais à partir du XIXe siècle, des processus d’expansion de la présence des membres des sociétés sur le littoral se sont enclenchés tandis que l’on a essayé de façonner cette zone. Il en résulte une tendance à moderniser ce paysage fort prometteur, dans une perspective de développent économique.  Ce phénomène, lequel est inter alia lié à la croissance urbaine et démographique et au processus d’industrialisation, est connu par le terme littoralisation.

Il conviendrait de signaler que la littoralisation a émergé, à un certain sens, bien avant le siècle précité, et cela s’est passé au champ du droit de la mer. En effet, la mer territoriale a fait son apparition au XVIIe siècle pour des raisons de défense nationale, d’où une «littoralisation» de la zone marine du littoral, à savoir d’une ex-partie de la haute mer[4]. Comme contre-poids, il existe le droit des navires étrangers au passage innocent par la mer territoriale d’un État côtier, lequel est régi par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, de 1982, et constitue un facteur de promotion de la navigation internationale. Cette garantie est liée aux nécessités de la navigation lorsqu’elle s’effectuait avec des voiliers, qui pour des raisons de sûreté naviguaient près des côtes. Qui plus est, la littoralisation à ce sens juridique constitue un phénomène en évolution graduelle de tel point que couramment, les eaux territoriales ne peuvent pas s’étendre au-delà du douzième mille marin à partir de la ligne de base, comme clairement fixé pour la première fois par la Convention susmentionnée. Suite de cette fixation, l’ampleur de la zone contigüe a été réglée de nouveau, chose qui constitue essentiellement une projection de la littoralisation sur la haute mer.

Quant au droit des navires étrangers au passage innocent par la mer territoriale, il constitue un indice d’humanisme et d’hospitalité, en principe loin d’opportunités commerciales, du moins au sens que cette garantie ne comporte pas le droit au cabotage. Le vocable « cabotage » de nos jours est usité pour des moyens variés de transport, illustrés par les trains, mais il provient du transport marchand maritime, où les navires, appelés caboteurs, naviguaient de cap en cap le long des côtes, à savoir cabotaient, tout en évitant de s’éloigner de la terre. Le cabotage maritime consiste en acheminement de marchandises ou de passagers par mer, entre des ports rapprochés. Par règle générale, il est limité à une bande de navigation côtière d’ordre d’environ 20 mille marins. Il est à souligner que depuis 2014, il concurrence le transport routier.

Historiquement, il a constitué une discrimination basée sur le pavillon des navires, laquelle remonte à l’époque de Cromwell (1651), lorsque les lois sur la navigation ont été adoptées, en vertu desquelles le commerce maritime à destination et en provenance des colonies britanniques devait être assuré par des flottes nationales. De plus, les armateurs britanniques étaient encouragés, sous forme de subventions d’État, à transporter des produits d’exportation spéciaux, tels que le maïs et d’autres produits agricoles.  En ce qui concerne l’Union européenne, celle-ci est frappée par le paradoxe historique de l’abstention d’adopter des normes dans le domaine de sa politique commune des transports, pour une période initiale, d’ordre de presque 30 ans[5]. Donc, elle coïncide à peu près avec l’émergence des règles communautaires sur le domaine du tourisme. Si les premières règles sectorielles pour le transport maritime n’ont été adoptées qu’en 1986, le début de la libéralisation de ce secteur a eu lieu plus tard, à travers du règlement (CEE) n° 3577/92, concernant l’application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l’intérieur des États membres (cabotage maritime). Cependant, le privilège d’exploitation exclusive de certains services a été réservé aux États membres, dont la Grèce par excellence, pour un grand espace de temps.

En outre, le terme « littoralisation » est marginal, sinon inexistant au niveau juridique. À titre d’exemple, la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, également connue sous le nom de CNULDC, qui a été adoptée le 17 juin 1994, se réfère à ce phénomène, duquel la région emblématique est le Nord méditerranéen, mais d’une manière uniquement périphrastique.

Néanmoins, la doctrine a bien désigné l’importance de ce vocable bien établi depuis longtemps. En 2023, une proposition a été formulée, pour l’utilisation du mot nouveau-né en anglais «aktiphilia», lequel provient du mot proposé en grec «ακτηφιλία»[6], chose qui pourrait être traduite en français par «aktéphilie». Le mot «aktiphilia» est produit par la conjonction des mots «akti» (en français «akté», au sens de littoral) et «philia», qui signifie amitié et est équivalent au suffixe «-philie» en français, selon le terme «astyphilia» (en grec «αστυφιλία»), à savoir le caractère convoité de la zone urbaine, en référence aux personnes qui sont attirées par la vie dans les villes. Cette expression résulte des mots « asty », au sens de ville, et « philia ». L’expression proposée est inspirée par le mouvement croissant d’urbanisation et aussi par le fait que dans les zones côtières sont implantées des grandes villes portuaires, y compris des capitales. Elle est basée sur sa similitude presque homophonique avec le mot «astyphilia».

II.    L’anthropisation du littoral

Le mot «anthropisation» provient du grec «anthropos», au sens de l’être humain. Il s’agit d’une expression usitée au champ de la géographie et de l’écologie, afin de désigner la transformation de l’environnement d’ordre en principe naturel (sols, roches, espaces, paysages, écosystèmes, milieux semi-naturels) par la présence de l’être humain ou son action. À titre d’exemple, le déboisement est le premier stade d’artificialisation des sols. Il existe aussi le terme « anthropique», lequel signifie le résultat de l’activité humaine, tel que la pollution.

L’anthropisation du littoral peut avoir des conséquences positives, dont la stabilisation d’un paysage vulnérable, mais elle n’est pas exempte d’incidences indésirables. En effet, elle provoque des effets néfastes, de nature très variée.

En premier lieu, il y a des risques liés aux aléas physiques, tels qu’érosion du sol, submersion et élévation lente du niveau marin. Pendant des siècles, l’homme a édifié des ouvrages de défense contre la mer afin de gagner des terres et de se protéger mais des nouvelles tendances ont été récemment constatées[7]. Plus précisément, les digues, qui sont les infrastructures les plus utilisées pour lutter contre la submersion marine, dans l’ordre juridique français se situent à l’intérieur de la bande littorale des 100 mètres, désignée comme inconstructible par la loi Littoral de 1986, par laquelle le législateur a souhaité limiter l’artificialisation du littoral et protéger certains espaces naturels, chose qui pourrait contribuer à une offre de tourisme pensée et gérée comme « différente », au regard du tourisme de masse classique[8]. D’ailleurs, les droits nationaux, en Europe, sur le littoral imposent tous des zones plus ou moins inconstructibles[9].

Comme les digues s’avèrent être une mesure coûteuse, complexe et néfaste pour l’environnement, elles sont peu à peu concurrencées par des techniques plus douces, dont le repli stratégique, introduit par la loi n° 95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite loi « Barnier », et renforcé par la loi « Bachelot » de 2003. Cette option, qui consiste en déterminer une zone de recul des infrastructures, afin de constituer une zone tampon entre le rivage et les activités socio-économiques situées à l’arrière, permet de restaurer le caractère naturel du site et de préserver son attrait touristique. Qui plus est, les techniques douces sont prônées par l’Union européenne qui souhaite que les États membres adoptent des principes de planification stratégique dans les zones littorales, afin de conserver et d’utiliser rationnellement ces espaces fragiles.   

En second lieu, il existe des risques d’origine biologique, illustrés par la contamination virale. En troisième lieu, il y a des risques de nature chimique, dont la pollution aux métaux lourds et les organiques persistants. De plus, d’autres risques sont aussi détectables, y compris les technologiques. À titre d’exemple, la situation du littoral s’est complexifiée au début du XXIe siècle avec le développement de la production d’électricité à partir des sources d’énergie renouvelable[10]. Il importe de souligner que les risques des catégories précitées peuvent émerger dans le cadre de la conduite des gens qui visent à améliorer la capacité d’adaptation et de résilience des territoires littoraux, comme dans le cas de la construction de digues, d’où un effet boomerang.

La dégradation du littoral est exacerbée par le phénomène du changement climatique. Les effets de cette nouvelle menace, illustrés par l’élévation du niveau de la mer, sont si graves qu’ils déstabilisent radicalement l’équilibre du littoral.

L’histoire d’intervention intensifiée de l’homme au littoral est propice de s’interroger sur l’époque courante, qualifiée par le vocable «Anthropocène», dérivé des mots helléniques «anthropos» et «kainos», lequel signifie nouveau. En 2002, c’est le chimiste et météorologue Paul Crutzen qui a suggéré une subdivision de l’ère quaternaire, marquée par les conséquences des activités anthropiques sur la planète, qu’il nomme Anthropocène. Cette notion, laquelle fait encore débat, consiste en la nouvelle ère géologique, caractérisée par l’influence de l’homme sur les grands processus de la Terre, dont le climat. L’instabilité persistante des littoraux montre qu’avoir un impact n’implique aucunement en avoir le contrôle, donc il ne faut pas tomber dans les pièges de l’anthropocentrisme et d’une responsabilité humaine indifférenciée, sans pourtant esquiver un débat interdisciplinaire important et nécessaire[11].

Dans le contexte des changements globaux et de la littoralisation croissante, les risques littoraux sont amenés à augmenter, et voire beaucoup, dans les prochaines décennies.

III. Le risque causé par les «Espèces Exotiques Envahissantes (EEE)»

Un des risques littoraux qui sont en voie de croissance est un risque d’origine biologique, qui consiste en introduction d’« Espèces Exotiques Envahissantes (EEE) ». Depuis quelques décennies, il s’agit d’une des menaces les plus graves pour la biodiversité. Ce phénomène a des incidences variées, environnementales et aussi économiques. Une des incidences est liée au secteur du tourisme, étant donné qu’une image inesthétique des plages est provoquée, par l’eutrophisation causée par certaines espèces exotiques. L’eutrophisation consiste en croissance excessive des algues, qui privent les autres organismes marins d’oxygène.

Le facteur le plus important d’introduction des espèces exotiques est celui des eaux de ballast des navires. Les écosystèmes pollués favorisent l’établissement d’espèces exotiques nuisibles, car la déstabilisation de leur nouvel écosystème, due à des activités anthropiques telles que la surpêche et la pollution des eaux, est un facteur clé de la réussite de leur invasion. Il est à souligner que jusqu’à récemment, les capitaines n’appliquaient aucune politique écologique de gestion du ballast.

Une telle conduite est très nocive pour l’environnement, en particulier dans le contexte courant du changement climatique, lequel a contribué à l’exacerbation du problème des espèces envahissantes à l’échelle mondiale. Cet effet est attribué au fait que ces organismes ont besoin d’une gamme de températures qui n’est plus offerte dans l’habitat habituel, soit parce qu'ils suivent les différentes espèces de la faune et de la flore, dont ils se nourrissent, lesquelles, à leur tour, migrent vers d’autres environnements.

Mais la flotte marchande ne contribue pas au phénomène des espèces exotiques uniquement du point de vue du ballast mais aussi par le transport de cargaisons, même si cette technique a un impact secondaire. Elle peut être le moyen d’importer des animaux terrestres et des plantes, par le biais du transport de conteneurs et d’autres cargaisons. Les conteneurs peuvent notamment accueillir divers organismes vivants, dont des insectes, des escargots, des rongeurs et des graines de plantes. Ces organismes sont capables de survivre au long voyage en mer et de s’établir dans de nouveaux environnements, ce qui entraîne le déplacement des espèces indigènes et la perturbation des écosystèmes. Donc, si la doctrine a initialement nié que la conteneurisation puisse engendrer des «problèmes juridiques nouveaux», ce phénomène a causé des défis juridiques[12] et des problèmes environnementaux.

En outre, le second facteur du transport des espèces exotiques envahissantes consiste en biosalissures des coques de navires. Depuis plus de 2000 ans, l’homme a cherché des solutions afin de protéger ces coques des méfaits des salissures marines, en faisant usage des clous de cuivre ou des revêtements de goudron. À partir des années 1970, l’oxyde de cuivre en tant que biocide dans les peintures antisalissures a été remplacé par les organoétains, tels que le TBT et ses dérivés, pour des raisons d’efficacité.  En raison de sa forte toxicité et de son long temps de séjour dans l’eau et les sédiments, le TBT s’est avéré être peut-être l’essence chimique la plus nocive qui a été délibérément introduite dans la mer par l’homme.

Du point de vue juridique, ce n’est que vers la fin du XXe siècle que les premières normes ont été adoptées au sujet du ballast, comme cela est le cas des États-Unis, déjà gravement touchés par l’affaire d’introduction de la moule européenne («moule zebrée») dans les Grands Lacs, dans les années 1980. Cet État a introduit la première législation nationale sur le ballast, dans les années 1990.

Les espèces exotiques envahissantes ont été définies en 2014 par le Règlement européen n° 1143/2014, dit « règlement EEE», lequel vise à prévenir leur introduction dans le milieu marin et, lorsqu’elles sont déjà présentes dans ceci, à les éradiquer. Par exemple, en vue de contrôler et d’éradiquer l’algue «caulerpe» ou bien l’«algue tueuse» (caulerpa taxifolia), laquelle est présente en Méditerranée, le Parc national de Port-Cros suit actuellement un protocole très structuré de gestion et de planification, incluant la mesure d’interdiction de jeter l’ancre, imposée aux navires de plaisance[13].     

La communauté internationale a pris des mesures législatives au niveau mondial, pour la première fois en 2004, par la Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires. En vertu de la Convention dite « BWM », tous les navires faisant des voyages internationaux sont en principe tenus de gérer leurs eaux de ballast et sédiments, en respectant certaines normes, conformément à un certain plan de gestion des eaux de ballast spécifique, préparé et approuvé d’avance.  Qui plus est, l’Organisation Maritime Internationale a émis une série de directives en la matière, afin de prévenir, réduire au minimum et éliminer progressivement les organismes marins nuisibles et les agents pathogènes présents dans les eaux de ballast et les sédiments des navires, tout en garantissant la sécurité de ces derniers.

Cependant, la Convention BWM n’est entrée en vigueur que le 8 septembre 2017. La raison formelle de ce retard est qu’il était nécessaire qu’elle soit ratifiée par un nombre suffisant d’États. Mais il est ajouté que les systèmes de gestion des eaux de ballast adaptés n’étaient immédiatement disponibles et des directives visant à soutenir l’application de la Convention sur la gestion des eaux de ballast devaient être élaborées tandis que toutes ces questions ont été résolues au temps de la mise en vigueur de ce texte[14]. En tout cas, il s’agit d’un grand retard, dans le cadre d’une thématique de majeure importance. L’absentéisme prolongé des États est indicatif du fait que dans la pratique il n’existe pas, à une grande étendue, la nécessaire volonté politique pour les questions de protection de l’environnement marin et littoral contre la pollution issue des activités anthropiques relatives à la marine marchande. L’approche interprétative de part de l’Organisation Maritime Internationale, au sein de laquelle cette Convention a été formée, consiste partiellement en répartition des responsabilités parmi des facteurs divers du secteur.  

Des remarques similaires sont valables pour la Convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles sur les navires, dite AFS, les proportions gardées. Cet instrument juridique de 2001 contient une annexe, dans laquelle les systèmes antisalissure à interdire ou à contrôler figureront, qui sera mise à jour dès qu’il y aura besoin. Dans cet ordre d’idées, des mesures de contrôle sur le biocide cybutryne sont entrées en vigueur le 1er janvier 2023.

L’ironie du sort est là, toutes les deux conventions font preuve d’un réalisme promouvant les intérêts légitimes des personnes qui exploitent les navires. Il s’agit du principe de célérité ou bien d’accélération des procédures prévues, lequel est consacré en tant que contre-poids au caractère obligatoire des processus de contrôle. Bien que ce standard dans la Convention BWM ait été basé sur le précédent de la consécration dans la Convention pareille AFS, il n’est pas consacré de la meilleure manière possible. À titre d’exemple, même le terme « célérité » est absent. Il serait pertinent de reconnaître explicitement la célérité de l’ensemble des procédures de contrôle, sous forme de principe général. En tout cas, il est plausible que le droit maritime de l’environnement a été empreint plus amplement par des règles promouvant ce standard. Cela est le cas de la directive de 2017, sur l’application de l’Annexe V, intitulée « Règles relatives à la prévention de la pollution par les ordures des navires », entrée en vigueur le 31 décembre 1988 et révisée à plusieurs reprises, de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL), de 1973[15].  Selon cette directive, l’obligation fondamentale des autorités des États pour assurer le respect des prescriptions de cette annexe est de doter leurs ports d’installations adéquates pour la réception des ordures susmentionnées, lesquelles doivent répondre aux besoins des navires sans causer de retard injustifié ou d’inconvénient[16].

Enfin, il conviendrait de signaler qu’un autre instrument juridique de la même branche a eu du mal à être activé. Il s’agit de la Convention de Hong Kong sur le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, laquelle tient compte des préoccupations relatives aux conditions de travail et d’environnement dans nombre d’installations de recyclage des navires dans le monde, sans interdire la méthode usitée d’échouage pour leur démantèlement, processus qui provoque une pollution étendue du littoral et de la mer.  Ce texte a été adopté le 15 mai 2009 mais il ne va entrer en vigueur que le 26 juin 2025, sur la base de l’article 17, lequel prévoit que la Convention entrera en vigueur 24 mois après la date à laquelle certaines conditions prévues sont remplies. Afin d’accélérer la ratification et la mise en œuvre de la Convention, l’Union européenne a adopté le règlement n° 1257/2013 relatif au recyclage des navires, dont les dispositions sont similaires ou plus strictes que celles de la Convention.

Conclusion

Ce qui se dégage de la présente analyse est que la littoralisation constitue la notion clé sur la question des risques littoraux. Elle fait preuve d’un caractère général, même face à la notion pareille d’anthropisation du littoral, et elle est anthropocentrique, comme cela est éloquemment prouvé par le fait que la doctrine parfois désigne en tant que synonyme l’expression « attractivité littorale ». Il est aussi notable qu’elle est en particulier liée à des activités souples de l’homme, comme celles des loisirs et du tourisme.

Elle équivaut à une modernisation, plus ou moins importante, des institutions sociales, depuis des siècles. Cela est bien le cas du droit de la mer, étant donné que la période moderne de cette branche a commencé par la genèse d’une zone originale, la zone territoriale, au XVIIe siècle, lequel fait preuve d’un fort étatisme, quant à la souveraineté et la politique maritime des pays côtiers (eaux territoriales et monopole de cabotage, respectivement).  Ce phénomène a diachroniquement constitué une des caractéristiques typiques des droits maritimes, malgré le fait que le droit communautaire a supprimé le cabotage maritime.

D’ailleurs, à partir du XIXe siècle, la littoralisation au sens classique a fait son apparition en combinaison avec une nouvelle tendance de l’humanité, en particulier des pays développés, à être modernisés. Mais l’approche historique de cette époque est imparfaite au fur et à mesure que d’ordinaire elle ne tient pas compte d’un acteur majeur, lequel consiste en l’environnement littoral[17].

Si la Communauté Économique Européenne à partir de son institutionnalisation a manqué presque une génération de règles en droit des transports, qu’elle pourrait avoir adoptées, le droit de l’environnement, lequel a émergé en 1972 dans le contexte de la Conférence des Nations unies sur l’environnement, parcourt la deuxième période des règles au niveau de conventions internationales sectorielles. Mais cet ensemble de règles est touché par le phénomène de déficit en volonté politique pour la mise en vigueur de celles-ci, pour un grand espace de temps. Si au cours de la première génération, un outil avant-gardiste a été consacré, tel que le principe de précaution, la nouvelle génération est à la fois originale et retardée pour un risque marin et littoral de l’époque courante, tel que l’activité des « espèces exotiques envahissantes », qui s’avère être de majeure importance. L’analyse sur ce phénomène a pleinement confirmé l’hypothèse de travail, laquelle a été formulée dans l’introduction. En effet, la marine marchande a contribué à l’émergence et l’intensification de divers risques pour le littoral.  Dans cet ordre d’idées, elle a désigné l’impact de risques littoraux sur le tourisme et en particulier l’image touristique, laquelle mériterait de constituer un bien légitime reconnu de manière systématique.

Quant à la précaution[18], depuis sa reconnaissance dans la loi Barnier ce principe déborde de son lit initial, pour envahir tous les secteurs du droit, y compris celui de la santé publique, dans le cadre duquel il peut indiscutablement permettre d’assouplir la notion de faute, sur laquelle la notion de responsabilité repose[19]. Une telle approche de la jurisprudence de la Cour de Cassation en France[20] est plausible, en particulier si l’on tient compte du fait que peu avant, dans la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme, adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO le 19 octobre 2005, les représentants des États membres ont supprimé de la version finale la disposition relative à la précaution en tant qu’outil de gestion des risques à des fins de santé publique, laquelle avait été introduite par les technocrates[21].

La notion de l’assouplissement est intensément présente par rapport à cet outil juridique, lequel demeure emblématique pour le droit de l’environnement, et donc elle renforce la protection écologique dans la zone grise de l’incertitude du danger hypothétique. Mais la loi Barnier est aussi avant-gardiste en introduisant une mesure souple pour la protection écologique du littoral, tel que le repli stratégique, face à la mesure lourde de construction de digues. Donc, il en résulte un assouplissement polymorphique de l’arsenal du droit de l’environnement (précaution, repli stratégique sur l’aménagement du littoral), lequel selon le cas pourrait s’avérer utile ou bénéfique même pour d’autres branches (droit de la santé et droit du tourisme, respectivement). En tout cas, cet assouplissement relativement récent du droit de l’environnement est indice d’enrichissement graduel et, avant tout, de raffinement conceptuel et opérationnel de cette branche.

***

La question des risques littoraux désigne le fait que les autorités politiques ont la tendance à hésiter à consacrer, au moins d’une manière systématique, des outils promouvant les droits de l’homme, dont la précaution et la célérité.


[1] La présente étude dispose d’une thématique relative à l’«Axe 3. Mer protégée » du programme de recherche 2022-2026 du Centre de Droit Maritime et Océanique (CDMO) de l’Université de Nantes.

[2] Ch. Small, R. Nicholls, A Global Analysis of Human Settlement in Coastal Zones, Journal of Coastal Research, 19 (3), 2003.

[3] G. Parrinello, Le littoral: une enquête historique à l’ère de l’Anthropocène, Cogito, 15 juin 2020, https://www.sciencespo.fr/research/cogito/home/le-littoral-une-enquete-historique-a-lere-de-lanthropocene/

[4]A. Maniatis, Approche du littoral, Digesta Online, 2023, http://digestaonline.gr/pdfs/Digesta%202023/maniatis2.pdf

[5] A. Maniatis, L’acquis unioniste au champ du tourisme. Étude de droit du tourisme et ferroviaire, 2023, Éditions universitaires européennes, p. 125.

[6] A. Maniatis, K. Papadimitriou, Littoralization & business, 16th Annual Conference of the EuroMed Academy of Business, 2023, p. 461.

[7] V. Mulot, A.-L. Vigneron et M.-L. Lambert-Hadid, Le littoral face aux changements climatiques, Méditerranée, 115, 2010, p. 131-137, https://journals.openedition.org/mediterranee/5264

[8] J.-M. Breton, La protection du littoral au regard des spécificités du droit du littoral et de sa mise en œuvre outre-mer. L’exemple de l’urbanisme touristique littoral dans les Antilles françaises, RJE 5 (n° spécial), 2012, p. 185-205.

[9] N. Calderaro, Droit et littoral en Europe, Études rurales, n° 133-134, 1994, p. 59-75.

[10] N. Huten, Chapitre 511. Objectifs et champ d’application de la loi du 13 janvier 1986, dite loi littoral, in P. Chaumette (dir.), Droits Maritimes, 4e édition, Dalloz, 2021, p. 1168.

[11] G. Parrinello, op. cit.

[12] M. Trabucatti, Réflexions sur l’avenir du droit maritime : Se dirige-t-on vers un amarrage du droit maritime au droit commun ?, Neptunus, e.revue, vol. 23, 1, 2017, p. 10.

[13] Milieu Marin France, Gestion des espèces exotiques envahissantes, 21 octobre 2020, https://www.milieumarinfrance.fr/Nos-rubriques/Actions-concretes/Les-especes-exotiques-envahissantes#:~:text=Les%20esp%C3%A8ces%20exotiques%20envahissantes%20repr%C3%A9sentent%20l%E2%80%99une%20des%20premi%C3%A8res,sont%20d%C3%A9j%C3%A0%20pr%C3%A9sentes%20dans%20celui-ci%2C%20%C3%A0%20les%20%C3%A9radiquer.

[14] Foire aux questions (FAQ). Application de la Convention sur la gestion des eaux de ballast, https://wwwcdn.imo.org/localresources/fr/MediaCentre/HotTopics/Documents/FAQ%20-%20Implementing%20the%20Ballast%20Water%20Management%20Convention%20-%20FRENCH.pdf

[15] Résolution du Comité de la protection du milieu marin MEPC.295(71), adoptée le 7 juillet 2017.

[16] Numéroté 6.3.1 du texte principal.

[17] G. Parrinello, op. cit.

[18] C. environnement, art. L. 110-1.

[19] S. Hocquet-Berg, La précaution dans l’innovation en matière de médicaments et de vaccins, Archives de philosophie du droit, 2020, 1, 62, p. 341-345.

[20] Cass. 1re civ., 7 mars 2006, n° 04-16.179 et 04-16.180.

[21] R. Andorno, Global bioethics at UNESCO: in defence of the Universal Declaration on Bioethics and Human Rights, Journal of Medical Ethics, 2007 Mar; 33(3), pp. 150-154.